La pandémie et ses conséquences sur les personnes vulnérables

Le débat sur les conséquences de la pandémie pour la société est loin d’être clos:  «d’importance systémique» a été le grand qualificatif du printemps 2020. On a bien vu, ces derniers mois, sur qui repose le fonctionnement de la vie publique au quotidien – sur le système. Il est apparu clairement à quel point sont utiles les réseaux numériques, les structures de remplacement en ligne et les services numériques tout court. Mais il est apparu tout aussi clairement quels groupes de personnes ne peuvent pas en bénéficier parce qu’ils sont «analogiques» et qu’ils ne peuvent pas suivre le rythme du numérique. Ce sont notamment les malades mentaux et les personnes handicapées ou simplement fragiles, qui vivent ou travaillent dans des institutions sociales.

Pour ces personnes, les restrictions de ce printemps difficile ont été particulièrement sévères. Ces personnes ont été exclues de leur vie quotidienne – pour de bonnes raisons, il est vrai. Non seulement elles devaient rester chez elles, dans leur foyer, mais elles devaient se passer des visites de leurs proches pendant une longue période, elles étaient interdites de promenade, elles ne recevaient plus certaines thérapies parce que la formation de groupes n’était pas autorisée ou parce que les piscines avaient été fermées. Bref, parce que la vie avait été «mise sur pause».

Coopérant avec plus d’une centaine d’institutions sociales, SeitenWechsel/transfaire s’est entretenu avec les responsables de certaines institutions. Par exemple ceux du Wohnhuus Bärenmoos d’Oberrieden. Dans ce foyer vivent des personnes souffrant de handicap physique ou lésion cérébrale. Durant des semaines, les visites étaient strictement interdites au foyer. Les résidents n’étaient pas autorisés à rentrer dans leurs familles le week-end, à suivre leur programme thérapeutique à l’extérieur de l’institution, à faire leurs courses ou simplement à se promener. Leur rayon de déplacement était limité au bâtiment et ses alentours immédiats. Depuis, les visites sont de nouveau autorisées sous réserve de respecter la réglementation en matière d’hygiène et de distance.

Le Café Yucca de la Zürcher Stadtmission fournit des repas et des conseils aux personnes sans abri ni argent. Durant le semi-confinement, il a suspendu ses activités de café et distribué des repas. La situation de sa «clientèle» reste précaire. De 200 séances par mois, l’offre de conseils du Café Yucca a fortement augmenté (+50%), et il devient évident que ce chiffre restera constamment élevé.

D’autres institutions ont, du jour au lendemain, dû passer d’une offre analogique à des services en ligne. Ainsi Sintegra Zürich, une institution accompagnant des personnes en crise psychique. Les défis ont été de taille pour Sintegra: Bon nombre de ses clientes et clients ne disposaient même pas d’un ordinateur. Ni ne savaient se servir d’un tel outil…

Mais même la crise du coronavirus avait ses côtés positifs: pour la première fois depuis de longues années, le directeur du restaurant Gasthaus Schlosshalde, qui fonctionne avec des jeunes nécessitant un encadrement spécifique durant leurs dernières années de scolarité, n’a pas travaillé les jours de Pâques. Les résidentes et résidents du «Wohnhuus Bärenmoos» avaient une grande flexibilité de programme: leurs activités se déroulant toutes à l’interne, plus besoin de s’adapter à des rendez-vous extérieurs et tout loisir de faire demain ce qui était prévu aujourd’hui et vice versa. Cette forme d’autodétermination n’était pas possible avant la pandémie.

Néanmoins, nos entretiens ont surtout confirmé une chose: Pour les personnes vulnérables, les restrictions imposées par la pandémie étaient particulièrement graves, et certaines d’entre elles perdurent. Pour combien de temps? Seul l’avenir le dira.