Développer les forces, atténuer les faiblesses – mon expérience du second marché du travail

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Récolter des mini-courges décoratives et étiqueter des bouteilles de vin? C’est bien ça! Anja Riedle de SBB Cargo a eu l’occasion d’effectuer un stage Transfaire proposé par la fondation Martin. Quelque 170 personnes atteintes de troubles cognitifs vivent et travaillent dans cet établissement. Le travail structure leur quotidien et leur permet de mener une vie (presque) normale. Enfin, il renforce leurs capacités, leur assurance personnelle et leur estime d’elles-mêmes. Anja Riedle parle de son stage en ces termes:

«Pendant une semaine, j’ai, avec mes collègues, enfoncé d’innombrables clous dans des chevilles pour une entreprise leader mondial du marché. Nous avons aussi compté (un à un!) et soudé en paquets de 10 un total de 20’000 cadeaux publicitaires pour une banque.

Ces travaux pourraient être automatisés depuis longtemps, mais les donneurs d’ordre choisissent délibérément de ne pas le faire – heureusement! Il existe en effet des établissements, comme celui de la fondation Martin, dont les résident-e-s seraient sinon condamné-e-s à rester «au chômage», car elles et ils n’ont malheureusement aucune chance sur le premier marché du travail.

Jusqu’à ce jour, je suis impressionnée par le regard que j’ai pu porter sur le deuxième marché du travail, qui nous reste habituellement caché. Il y a d’ailleurs quelques parallèles avec le premier marché du travail:

1. L’orientation sur les ressources: Renforcer les points forts, atténuer les points faibles – les ergothérapeutes regardent individuellement qui fait quoi le mieux et encouragent chaque personne dans la mesure de ses possibilités. Chacun-e peut ainsi s’épanouir, et l’équipe dans son ensemble peut fonctionner de manière optimale.

2. La diversité: Les capacités et les besoins individuels varient fortement en fonction des pathologies. Chez une telle, l’art consiste à investir son hyperactivité dans le travail, chez tel autre, à sécuriser le poste de travail de manière à lui permettre tout simplement d’exercer une activité.

3. L’inclusion: Les activités sont divisées en petites étapes afin que chacun-e puisse accomplir la ou les siennes de façon autonome; il s’agit de définir l’organisation un peu sur le modèle du plus petit dénominateur commun. Certaines personnes se contenteront toujours de compter des chevilles, d’autres plieront, fermeront et étiquetteront également des boîtes.

4. La qualité: Les donneurs d’ordre sont en droit d’attendre la même qualité que sur le marché libre. C’est pourquoi de nombreuses (!) balances sont utilisées dans l’atelier protégé. Elles permettent de contrôler les quantités au gramme près.

5. La productivité: Aujourd’hui, les personnes vivant avec un handicap sont évincées plus tôt du premier marché du travail parce que les exigences et les cadences y ont augmenté. Ces ‘faibles’ du premier marché du travail sont les ‘forts’ du deuxième marché du travail. Dans des cas limites, les personnes concernées ont certes souvent du mal à accepter ce changement de marché, mais dans des établissements comme celui de la fondation Martin, elles peuvent «grandir» dans leurs tâches et peut-être même, un jour, évoluer à nouveau vers le premier marché du travail.

Je retiens en particulier la joie de vivre de mes collègues de la fondation Martin, en dépit des circonstances parfois difficiles, et la passion pour leur travail, passion qui se retrouve d’ailleurs partout au niveau du personnel spécialisé qui les encadre. Je suis reconnaissante pour les nombreuses rencontres que j’ai pu faire, et heureuse que SBB Cargo et Transfaire m’aient permis d’effectuer ce stage.»